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« L’inconnu du lac » d’Alain Guiraudie

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« L’inconnu du lac » a choqué dit-on, au point que l’on en retire les affiches. A Versailles, on ignorerait donc tout de 2013 : des hommes qui s’embrassent, à l’heure du mariage pour tous et d’applications qui, tous les jours, permettent une rencontre rapide, efficace, à côté de chez soi.

C’est pourtant ça que montre le film d’Alain Guiraudie : un Grindr à ciel ouvert. Dans ce lieu de drague homosexuel situé sur les bords d’un lac, les hommes  viennent dénudés, bronzer, nager, draguer. Mais surtout s’étreindre, dans la forêt juste derrière. Avec ou sans fougue/capote/lendemain (barrez les mentions inutiles).

C’est sur ce morceau de plage que Franck-interprété par Pierre Deladonchamps– croise Henri, bûcheron bedonnant dans toute sa splendeur, largué par sa femme, qui vient ici « pour être tranquille ». Un peu à l’écart, le seul hétéro du coin observe tout du ballet qui se déroule à quelques jets de galets de lui. Ici, on déroule sa serviette, on se mate puis on va dans les fourrés. Parfois on revient ensemble, parfois pas. Lui a donc bien vu que son nouveau camarade n’avait d’yeux que pour Michel (Christophe Paou), grand brun aux faux airs de surfeur moustachu de Venice Beach, qui a pour défaut d’être encombré d’un amant possessif.

Du moins jusqu’à ce soir où Franck décide de rester tard au lac. Entre chien et loup, il les regarde nager tous les deux. Caché par les feuillages, il voit alors Michel noyer son amant là, sous ses yeux. Le lendemain,  il reviendra  seul, sans l’inconnu. Dangereux certes, mais plus disponible. Franck et Michel iront donc ensemble (enfin!) dans la forêt.

Dans ce flirt avec le danger, Alain Guiraudie montre ce que le désir peut faire naître sous la peau. Cette forme d’inconscience pour quelques (bons) coups. Car si Franck ne l’a pas compris, c’est bien de cela qu’il s’agit et son nouvel amant se charge de lui rappeler, le soir venu, d’un placide « ce n’est pas parce qu’on baise bien qu’on doit forcément dîner ensemble. »

Nous non plus d’ailleurs, jamais le réalisateur ne nous emmène hors de cette zone dont on ne dépassera pas le parking. Mais dans l’intimité, Guiraudie nous conduit déjà assez loin. Ou plutot tout près dans sa façon de nous montrer ces scènes d’ébats amoureux crues, sans filtre.

Et ce qui fait la force de ce film c’est sa façon d’y apporter autre chose. Qu’il s’agisse d’humour notamment à travers le personnage d’Eric-interprété par le très juste Mathieu Vervisch–  toujours prêt à »juste regarder » et se masturber à côté des autres. Ou encore, d’une réflexion sur cette grande liberté sexuelle qui a lieu sous nos yeux et passe par la réflexion de l’inspecteur, circonspect, qui interroge Franck, infoutu de livrer un alibi valable: « Vous voulez dire que vous passez tout un après-midi avec un homme qui vous fait oublier le temps et vous ne connaissez pas son prénom? »

Oui, c’est un peu ça. A la fin, on ne connaîtra pas vraiment le nom de l’inconnu du lac mais il nous restera beaucoup de choses du film.

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