Pour échapper au carcan familial, Marco –Vincent Lindon, parfait, la peau tannée, le visage buriné- est devenu capitaine de supertanker. Il fallait un argument de taille pour le faire revenir. Le voilà : un beau-frère suicidé et une nièce retrouvée dans les rues de Paris, nue, l’air hagard et l’entrejambe ensanglanté. Pour les venger, il devient le voisin d’Edouard Laporte, riche homme d’affaires joué par Michel Subor, qu’on lui a désigné comme coupable idéal.
Pas si simple. A vouloir s’en prendre à l’épouse de Laporte (Chiara Mastroianni au sommet de sa féminité), Marco vit avec elle une passion dans laquelle il serait prêt à laisser sa peau. A trop croire les siens (sa sœur, en particulier), il met du temps à découvrir le (tré)fond de l’histoire : les parties fines, le mensonge et l’argent. Bref, toutes ces zones crasses qu’on lui a volontairement présentées comme blanches. Combien de temps ? On ne saurait dire. Nuit et jour se succèdent, ponctués de retours en arrière, sans vraiment éclairer notre rapport au temps.
Ce que l’on sait en revanche c’est que si Claire Denis a vite écrit et tourné Les Salauds, à n’en pas douter, certaines scènes étaient là depuis longtemps déjà. On pense à celle du tabac –tellement pensée qu’il n’en existe pas à cet endroit de Paris- où elle filme de loin Chiara Mastroianni en panne de cigarettes la nuit avec une certaine magie. Ou encore, plus tard, celle d’un accident de voiture tragique que l’on se surprend à trouver sublime.
Biensûr il y a le reste. Le maïs qui, comme chez Faulkner, cristallise le glauque de l’affaire, et le personnage de la sœur, faiblard et faussement naïf. Mais, la réalisatrice de Beau Travail et White Material filme avec une immense justesse l’impuissance qui se teinte de colère à mesure qu’elle grandit. Oui, Marco est rentré mais il n’a rien pu faire. N’est pas salaud qui veut.
En salles le 7 août.
*Article paru dans Marianne du 3 août 2013.